Dès la promulgation de l’ordonnance du 2 août 2005 créant le « contrat nouvelle embauche» (CNE), la CGT a critiqué ce dispositif et déposé un recours devant le Conseil d’État pour la faire annuler.
La décision négative du Conseil d’État n'a pas clôt le débat sur le CNE, ne nous a pas laissé désarmé, y compris dans le domaine de l’action judiciaire. L’heure étant à la riposte revendicative et juridique.
La disparition du CNE est donc un objectif revendicatif de première importance. Combattre le CNE, c’est à la fois contester sa légitimité et le vider de son principal intérêt pour le patronat en agissant contre les ruptures intervenant au cours des deux premières années.
Le recours déposé devant le Conseil d’État s’appuyait en grande partie sur la violation de deux textes internationaux ratifiés par la France :
- la convention n° 158 de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) du 22 juin 1982, article 4 (exigence d’un motif valable de licenciement) et article 7 (possibilité de se défendre contre les allégations « justifiant » un licenciement).
- la charte sociale révisée du Conseil de l’Europe (3 mai 1996) dont l’article 24 reprend dans les mêmes termes l’obligation de motivation.
Le Conseil d’État a rejeté l’application du premier texte en considérant qu’un cas d’exception prévu à l’article 2 pourrait être invoqué, s’agissant des « travailleurs effectuant une période d’essai ou n’ayant pas la période d’ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée d’avance et qu’elle soit raisonnable ». Ce n’est évidemment pas notre interprétation !
Le juge judiciaire n’est pas tenu par la décision du Conseil d’état. On peut donc lui demander d’écarter l’application de l’ordonnance, au nom de normes internationales de valeur supérieure. Dans ce cas, les dispositions de la convention 158 de l’OIT sont directement applicables.
Le 28 avril 2006, le conseil des prud'hommes de Longjumeaux (78) a jugé le CNE de Mme De Wee, défendue par la CGT, contraire à la convention 158 de l'Organisation Internationale du Travail (OIT).
Le 4 mai 2006, le Procureur de la République d'Evry a fait appel de la décision des juges de Longjumeaux.
Frappé d'appel, ce jugement à fait l'objet d'un « déclinatoire de compétence » du Préfet de l'Essonne, visant à désaisir la Cour d'Appel de Paris au profit du tribunal administratif.
Par sa décision rendue le 19 mars 2007, le Tribunal des Conflits a sanctionné les ingérences du gouvernement à travers la Préfecture de l'Essonne.
Après la condamnation par la cour de Justice de la Communauté Européenne de l'ordonnance excluant les moins de 26 ans des calculs des effectifs des entreprises et la décision de la cour européenne des Droits de l'Homme concernant le système des heures d'équivalences, il s'agit du troisième exemple en deux mois où les normes internationales s'opposent au recul du droit du travail Français.
Le jugement de départage prononcé le 19 avril 2007 à Romans, dossier défendu par un militant CGT :
- indique que « le régime du CNE tel qu'il résulte de l'ordonnance critiquée est incompatible avec les exigences du droit international ».
- cite le rapport au président de la République comme suit : « l'employeur (...) hésite à embaucher de façon pérenne (...) en raison de la volatilité de l'économie (...) par crainte des incertitudes inhérentes à la rupture ». Le jugement considère donc « la durée raisonnable de la période de consolidation doit s'apprécier à la lumière de la situation économique du secteur d'activité de l'employeur... Or une durée de deux ans quel que soit le poste occupé apparaît contraire aux traditions de droits internes ou comparés ». « En cas de convention collective la durée moyenne est de l'ordre de un à six mois » (...) « le contrat CNE la prévoyant pour deux ans, son caractère raisonnable apparaît discutable ».
- Et le jugement de citer l'exemple du Royaume Uni « dont le marché est plus souple que le marché français dans une économie plus libérale, à récemment allongé la période d'essai de 6 mois à un an maximum. Ainsi une durée de deux ans uniforme, fixé d'autorité par la loi (...) est obligatoirement déraisonnable au sens de la convention de l'OIT ».
- « (...) En l'absence de motif allégué lors du licenciement litigieux, celui ci sera considéré sans cause réelle et sérieuse ».
Par ces motifs le conseil :
« dit que l'ordonnance du 02/08/2005 instituant le contrat nouvelle embauche ne respecte pas la convention 158 de l'OIT du 22/06/1982. »
- « dit que le contrat intervenu le 26/09/2005 est un contrat à durée indéterminée. »
- « dit que le licenciement intervenu le 06/02/2006 n'a pas de cause réelle et sérieuse et que la procédure préalable n'a pas été respectée. « En conséquence, condamne l'employeur... a payer la somme de 1000 € à titre d'indemnité au salarié ».
Après le jugement de la cour Européenne des Droits de l'Homme sur les heures d'équivalences, dossier monté par un militant CGT de Romans, après le jugement de notre conseil de Prud'hommes sur le lundi de Pentecôte, cette fois c'est l'enterrement du CNE.
Ce jugement va faire jurisprudence, peut et doit être utilisé par tous les défenseurs des travailleurs pour faire définitivement tombé ce contrat précaire par excellence.
Vous pouvez participer à ce combat en faisant circuler cette information.